Comment la LLCER polonais de la Sorbonne tente de résister

Moins convoitées que les licences d’anglais ou de coréen, les formations LLCER (Langues, littératures et civilisations étrangères et régionales) Polonais se font de plus en plus rares dans l’hexagone et attirent principalement des étudiants d’origine polonaise ou déjà familiers avec la langue. Alors, la formation tente de se diversifier pour ouvrir à sa culture et son histoire.

En France, c’est l’une des deux dernières à subsister. Créée en 1961, la formation LLCER (pour Langues, littératures et civilisations étrangères et régionales) Polonais de la Sorbonne compte, à la fin du première semestre une trentaine d’étudiants en L1. « C’est une bonne année » estime Kinga Siatkowska-Callebat, responsable de la licence. « Les années précédentes, c’était plutôt une vingtaine, voire une quinzaine d’étudiants ». 

Et ça, ce sont pour les étudiants qui restent dans la formation. À la rentrée, ils sont plutôt une cinquantaine à s’asseoir sur les bancs de la LLCER Polonais, sur les 200 qui ont ouvert un dossier sur Parcoursup. « Il y a un « phénomène Parcoursup », parce que les étudiants doivent être inscrits quelque part. Et comme nous ne sommes pas une filière sélective, ils échouent parfois chez nous sans avoir vraiment voulu faire des études de polonais ».

Alors, difficile d’expliquer la raison du (relatif) succès observé cette année. « Peut-être que c’est lié à la situation géopolitique, avec la guerre en Ukraine, les gens s’intéressent plus aux pays d’Europe centrale et de l’est », suppose Grzegorz Marut, gestionnaire pédagogique de la licence et ancien étudiant. Il prépare à présent une thèse sur l’histoire de l’immigration polonaise au XIXᵉ siècle. 

Originaire de la région des Basses-Carpates dans le sud-est de la Pologne, lui est arrivé en France à l’âge de 3 ans et avait des lacunes en grammaire et en orthographe à son entrée en L1. « La majorité des étudiants [de cette licence] ont des origines polonaises ou parlent déjà un peu le polonais », indique-t-il. « Beaucoup viennent de la même région que moi. C’est une des régions les plus pauvres du pays, où une partie de la population a émigré en France. »

Très peu de débutants

C’est le cas de Katarzyna, étudiante en L2. Si la jeune femme est née et a vécu en Pologne une partie de son enfance, c’est « par hasard » qu’elle a rejoint la formation. « Après mon Bac L, j’ai voulu essayer la licence de lettres classiques, mais c’était trop compliqué […] En attendant la rentrée d’après pour me réorienter, une amie m’a conseillé de m’inscrire en LLCER Polonais en phase complémentaire sur Parcoursup ». Elle a finalement décidé de poursuivre la formation, séduite notamment par les cours de littérature et de poésie. « Ils m’ont permis de renouer avec la culture polonaise, [dont] j’avais une image un peu négative », raconte-t-elle. J’aime beaucoup écrire et maintenant j’ai recommencé à le faire en polonais. Ce n’était pas arrivé depuis longtemps ».  

Iuliia, aussi en L2, est la seule de son année à être totalement débutante. « On a un cours à part pour apprendre les bases et la logique de la langue », indique l’étudiante d’origine ukrainienne, qui aimerait devenir traductrice-interprète, l’un des principaux débouchés. D’autres choisissent d’enseigner, de travailler pour les institutions européennes, ou pour des entreprises polonaises. « Il n’y a pas de chômeurs à la sortie de ces études », précise la responsable de la formation.  

En master, où les étudiants ne sont souvent plus qu’une dizaine, les débutants sont encore plus rares. « C’est décourageant pour eux de se retrouver avec les étudiants polonophones. Et avec de si petits effectifs, on ne peut pas continuer à faire des groupes de niveaux [comme en licence]. »

Rendre la formation plus attractive

La Sorbonne est la dernière université, avec l’Inalco, à proposer une LLCER dédiée exclusivement au polonais. Kinga Siatkowska-Callebat a observé un phénomène de disparition de ces études en France au début des années 2000. « Avant, l’université de Lille avait la plus grosse section de polonais du pays. Mais ils ont dû fermer cette section, et maintenant la langue n’existe plus qu’en parcours de Langues étrangères appliquées (LEA) ». D’autres enseignements de polonais existent aussi dans d’autres villes, comme à Nancy ou Caen, mais il s’agit soit d’options, soit de LEA, moins spécialisantes.

Alors pour attirer de nouveaux étudiants, et surtout « réussir à les garder », Kinga Siatkowska-Callebat et l’équipe pédagogique de la Licence misent sur la variété de l’offre d’enseignement au-delà des traditionnels cours de traduction ou d’histoire polonaise. L’atelier de théâtre en est un exemple. « Les étudiants de L2 préparent tous les ans un spectacle en polonais. Il est sur-titré en français et joué pendant le festival de théâtre organisé par la Sorbonne en mai-juin, ce qui nous permet d’avoir un public extérieur. C’est un moyen de rayonnement non-négligeable », précise celle qui assure le cours d’histoire du cinéma, très prisé des étudiants. Des cours de géopolitique sont aussi dispensés : « ce n’est pas le cas de toutes les LLCER ». 

Mais le polonais reste une langue qui n’est « pas internationale », constate Grzegorz Marut.  « On n’a pas beaucoup de spécialistes polonais, par exemple ». Katarzyna, elle, regrette que la culture et l’histoire polonaises soient si peu mises en avant en Europe, comme l’est notamment la culture coréenne, « ne serait-ce qu’avec les films ou la musique k-pop ». Ou même la culture américaine  « omniprésente partout dans le monde ». 

Sarah-Yasmine Ziani

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