A Varsovie, les gays ont leur club de sport
Seule association sportive réservée aux LGBTQIA+ à Varsovie, Volup se donne comme objectif d’offrir un espace où chacun est libre d’être lui-même. C’est un lieu où la discrimination, dont peuvent être victimes les personnes gays en Pologne, n’a pas sa place.
Passées 20 heures, on n’entend plus que les chaussures crisser sur le parquet de la salle de sport. Dans le gymnase du lycée Prince Jozef Poniatowski, ce club de badminton est en apparence banal. Mais à y regarder de plus près, les sportifs n’ont pas peur de porter des shorts roses courts et des tee-shirts aux couleurs arc-en-ciel. « Nous accueillons tout le monde pour faire du sport ici ; gays, transgenres, et même des lesbiennes parfois », explique Piotr Gajewski, vice-président de l’association Volup.
Un espace dédié à la communauté LGBTQIA+
L’initiative a vu le jour en 2005 dans la capitale polonaise. Le fondateur, Marcin Nowakowski, a lancé le projet après un séjour en Allemagne où des « clubs arc-en-ciel » existaient déjà. Ce qui au départ n’étaient que des entraînements de volleyball entre amis, s’est petit à petit transformé en première association sportive pour LGBTQIA+ de Varsovie. Aujourd’hui, le club compte plus de 1.000 adhérents pour dix sections sportives, et celle de badminton est l’une des plus prisées. « On veut avant tout rassembler des personnes qui se ressemblent, ici des gens se font des amis pour la vie et trouvent même parfois l’amour », déclare Piotr Gajewski avec un petit sourire.
D’autres associations dédiées à la défense de la communauté LGBTQIA+ existent en Pologne. Lambda Varsovie est la plus vieille association à s’être penchée sur le sujet. Mais contrairement à elle, Volup a la particularité de ne pas s’engager sur le plan politique. « On se concentre sur les individus, sur le fait de faire du sport, de créer des amitiés et de se rassembler, c’est ça dont les gens ont le plus besoin », insiste le joueur de badminton.
Car bien plus qu’une équipe de sport, Volup est un moyen pour la communauté LGBTQIA+ de se rencontrer et de se réunir. « Quand tu te cherches, c’est bien d’avoir un vrai groupe auquel t’identifier et qui peut te soutenir, il existe toujours les applications de rencontre, mais le vrai contact, c’est ça qui compte », explique le vice-président de l’association. « Avec Volup, on peut être nous-mêmes avec des personnes incroyables, c’est très important que ça existe pour les personnes gays qui se sentent seules », complète son coéquipier Jakub Ignatowski.

Lutter contre l’homophobie par le sport
En plus de lutter contre les discriminations, le club a de vraies ambitions sportives. Si certains viennent pour se défouler, grand nombre des joueurs de badminton en font depuis plusieurs années. « On a beaucoup évolué depuis deux ou trois ans : on essaie de s’étendre à l’international. En juillet dernier on a d’ailleurs participé aux Eurogames de Vienne », raconte avec fierté Piotr Gajewski. Lancée en 1992, cette compétition européenne est la première à accueillir des clubs LGBTQIA+ de tous les pays avec pour mots d’ordre l’inclusion et la diversité. Lyon accueillera l’édition 2025.
Offrir la possibilité aux athlètes queer de s’entraîner et de concourir à haut niveau, c’est aussi éviter de les exclure du milieu du sport où l’homophobie est encore très présente. « Faire son coming-out [annoncer publiquement son homosexualité, ndlr] dans un club, c’est très difficile, surtout dans le sport professionnel qui n’est pas réputé pour respecter les LGBT », regrette Piotr Gajewski. « Pendant les cours d’EPS, au collège, je ne me sentais pas du tout intégré, surtout quand il fallait jouer au football », explique Jakub Ignatowski en faisant tourner sa raquette dans sa main.
« Mais le sport c’est aussi le meilleur moyen de rassembler les gens et de s’amuser », nuance de son côté Piotr Gajewski. Entre deux lancers de volant, les rires fusent et les tapes dans le dos vont bon train. Une ambiance bon enfant rythme les parties de badminton. Un moyen de relativiser une situation souvent compliquée dans un pays comme la Pologne, réputé comme étant le plus homophobe de l’Union européenne. « Ici, les homosexuels n’ont pas les mêmes droits que les hétérosexuels, donc c’est important d’avoir des initiatives comme Volup », explique Lukasz Dawid en essuyant la sueur qui perle sur son front. Et même si les mentalités changent peu à peu selon l’athlète, « chaque personne homosexuelle ici a déjà vécu de la discrimination, surtout pendant l’adolescence », raconte-t-il.
Pourtant, les membres de Volup ne peuvent s’empêcher d’avoir de l’espoir. « L’influence occidentale vient jusqu’à chez nous et c’est une bonne chose, ça fait changer les mentalités chez les jeunes », assure le badiste Jakub Ignatowski. Et d’ajouter, confiant : « Aujourd’hui dans une ville comme Varsovie, je n’ai plus peur de m’afficher dans la rue. » Comme beaucoup de membres de l’équipe, Jakub Ignatowski a grandi dans une petite ville de Pologne avec une grand-mère et des parents conservateurs. Venu s’installer à Varsovie, sa vie a radicalement changé. Cela fait déjà dix ans qu’il a intégré l’équipe de badminton. Ses frappes sont assurées. À Volup, Jakub Ignatowski a enfin trouvé sa place.
Camille Sciauvaud
Laisser un commentaire