Cette épicerie qui fait voyager les clients parisiens comme la communauté polonaise

A deux pas du cimetière de Montmartre, l’épicerie « Comme en Pologne » vend une multitude de produits polonais, alimentaires ou non. Si les Polonais sont la clientèle principale de la boutique, un autre public se fait une place dans les rayons.

Rémy Videau, depuis Paris.

Il est 11h20 en ce matin de janvier à Paris. Un homme vêtu de noir se hâte de remonter l’avenue de Clichy. Une poignée de clientes l’attendent quelques mètres plus loin devant son épicerie, « Comme en Pologne ». Piotr est en retard ce matin, il aurait dû ouvrir à 11 heures. Il ôte son manteau et laisse apparaitre son pull flanqué du logo du Legia Varsovie. « Le club de football le plus détesté d’Europe », ajoute il en souriant.

« Venez, venez, c’est ouvert », s’exclame-t-il en sortant un grand pot de fleurs. A l’intérieur, la boutique est divisée en deux parties. Un côté épicerie expose tous les aliments polonais les plus typiques. Borsch en bocal, boîtes de thés et les incontournables pierogis. « Ce sont vraiment les meilleurs d’Europe », se vante Piotr en tendant un sachet de ces ravioles à une vieille dame. « Nous avons carrément dépassé les Italiens dans ce domaine », veut-il croire. La cliente lui sourit, comme pour signifier son accord avec cet avis ordinairement impopulaire.

De nombreux produits alimentaires typiquement polonais garnissent les étagères de l’épicerie. Crédit : Rémy VIDEAU / CELSA

De l’autre côté, le magasin vend de nombreux produits issus de l’artisanat. Plusieurs étagères sont garnies de chaussons et pantoufles aux teintes beiges, rembourrées par de la fourrure. « Tout ce que je vends est 100% fait en Pologne », présente fièrement Piotr en présentant son étalage de gilets de couleurs en laine.

« Les Polonais sont contents de venir ici »

Les quelques clientes qui attendaient Piotr à l’ouverture arrivent à la caisse pour payer leurs achats. Le commerçant d’une cinquantaine d’années échange quelques mots avec l’une d’entre elles. C’est une vieille dame au français hésitant. Le dialogue avec Piotr oscille donc entre la langue de Molière, et le polonais.

« Tous ces produits me rappellent mon enfance, confie la vieille dame emmaillotée dans un grand manteau de fourrure blanc. On se sent presque comme en Pologne ici. » Piotr a ouvert ce commerce en 2010 et ne cesse d’augmenter son nombre de références. « Aujourd’hui, je compte plus de 300 articles différents, énumère le vendeur. Je ne suis pas le seul magasin polonais de Paris alors c’est un moyen de se démarquer. »

Plusieurs vêtements issus de l’artisanat polonais sont vendus dans cette épicerie. Crédit : Rémy VIDEAU / CELSA

Un peu plus loin, Vladimir, un client, hésite entre deux bocaux de cornichons. Faire ses courses ici lui permet de garder une part de Pologne dans son quotidien. « Je pense que les Polonais sont contents de venir ici, présente le quadragénaire. Paris est une ville superbe, mais on a parfois besoin de ce retour aux sources. »

Très peu de Parisiens parmi les clients habituels

Piotr est très fier de l’identité de son commerce, sans la cultiver pour autant. « Je n’organise pas d’événements particuliers à la boutique pour les Polonais, raconte-t-il en ouvrant un grand carton de porcelaine de Cracovie. Les Polonais sont des gens solitaires qui ne cherchent pas forcément à se retrouver en dehors du pays. » Les premières migrations polonaises vers la France remontent à 1830, à la suite d’un grand soulèvement contre le tsar Nicolas Ier. D’autres vagues migratoires ont suivi, notamment lors des deux guerres mondiales. Selon une étude menée par l’INSEE en 2023, il y a environ 81 000 immigrés polonais sur le territoire français.

La porcelaine polonaise attire d’autres clients que les Polonais. Crédit : Rémy VIDEAU / CELSA

Parmi les nombreuses personnes qui passent devant la boutique tous les jours, peu ouvrent la porte de l’épicerie. « Il faut avoir été en Pologne pour venir ici, s’amuse Piotr. Ma clientèle se découpe donc entre les Polonais expatriés et les Parisiens qui ont eu la chance de voyager dans notre beau pays. » Le commerçant ajoute que les produits artisanaux attirent également quelques curieux.

Le doigt sur la portée d’entrée, Piotr montre fièrement les nombreux prix et macarons reçus par sa boutique. Une manière pour lui de montrer que son commerce se porte bien économiquement . « Ma clientèle est fidèle et j’ai souvent de nouveaux acheteurs qui reviennent de Pologne, » témoigne le gérant originaire de Varsovie. Pour Piotr, il reste désormais à espérer que les Français voyagent davantage vers sa terre natale.

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