Cuisine : un atelier pour percer les secrets des pierogis polonais
Depuis six ans, dans son atelier de Varsovie, Maria Oskroba accueille des visiteurs du monde entier, du lundi au vendredi, pour leur faire découvrir la recette des pierogis, un plat traditionnel polonais.
Dans le quartier de Muranow, à Varsovie, la devanture de l’atelier de confection Pierogi & More fait désormais partie du paysage. Installée depuis six ans, Maria Oskroba a transformé cet ancien restaurant en un lieu dédié à la transmission des secrets du pierogi. Chaque jour, elle accueille des touristes du monde entier, curieux d’apprendre l’art de ces raviolis polonais. Ce mercredi 29 janvier à 12h30, l’atelier ouvre ses portes à deux jeunes couples, l’un belgo-macédonien, l’autre israélien, venus découvrir la gastronomie locale.
Pour Gauthier Rosick, originaire de Charleroi, ce cours est un incontournable de son séjour d’une semaine à Varsovie avec sa compagne, Lina Nikokolovka. « Je voulais une expérience unique avec ma copine. Et pour moi, la chose la plus iconique à Varsovie, ce sont les pierogis. En plus, ça me tenait vraiment à cœur d’apprendre la recette, car j’ai des origines polonaises. Je me suis dit : Allez, pour la famille ! »
De leur côté, Fiola et Daniel, originaires d’Ukraine, retrouvent dans cet atelier une saveur familière. « C’est aussi un plat populaire là-bas. On les appelle varenyky. Mes grands-parents m’en faisaient souvent, alors j’avais envie de savoir comment les préparer. C’est une tradition » raconte Daniel.
Les présentations faites, les quatre apprentis se placent derrière la table, face aux ingrédients soigneusement disposés. Sous l’œil attentif de Maria Oskroba, ils pétrissent une pâte parfumée à l’aneth séché et au paprika, incorporant progressivement l’eau chaude et le poivre.

De gauche à droite, Lina, Gauthier, Daniel et Fiola préparent la pâte des pierogis devant la cheffe Maria Oskroba. Crédit – Alexandre Simoes
Une fois homogène, la pâte repose dans un bol pour « lui permettre de lever, pour faire jusqu’à 20 % de volume en plus ». Mais avant cela, un rituel s’impose. « Il existe une parole magique », glisse Maria Oskroba. « Il suffit de toucher le sommet du bol et de lui dire Dobranoc! (Bonne nuit en polonais, NDLR). » Un geste aussitôt imité par les convives avant de passer au façonnage.
Une farce sans limite et une histoire de transmission
Dans la cuisine polonaise, la farce des pierogis est une affaire de créativité. « Il n’existe aucune règle », explique la cheffe. « Les Polonais utilisent toutes sortes d’ingrédients : viande, légumineuses, légumes, champignons, fromage… Tout ce qu’ils trouvent dans le réfrigérateur. »
Parmi les trois variantes préparées — l’une au poulet, l’autre végétarienne et la dernière au fromage blanc mélangé à de la purée de pommes de terre — la dernière mérite une attention particulière en raison de son histoire. Originaire de Ruthénie, une région aujourd’hui en Ukraine, cette recette, autrefois appelée ruski pierogi, est aujourd’hui connue sous le nom de pierogi ukrainien.
« Nous avons emprunté cette recette aux Ukrainiens bien avant le XIVe siècle. Elle est restée inchangée, seul son nom a évolué. Aujourd’hui, au restaurant, il faut demander des pierogi ukrainien, car le terme ruski a pris une connotation péjorative puisqu’elle renvoie aux Russes. Beaucoup pensaient que ce plat venait de Russie, ce qui n’est pas le cas. »
Vient ensuite l’étape de la découpe et du remplissage. À l’aide d’un emporte-pièce, chacun façonne des disques de pâte prêts à être garnis. « J’ai déjà cassé mes deux premiers, je dois mettre trop de garniture », s’exclame Lina, sous le regard hilare de Gauthier.
Puis, du bout des doigts, les apprentis s’appliquent à sceller les bords en demi-lune. Certains optent pour le classique coup de fourchette, d’autres tentent de reproduire les élégantes vagues réalisées par Maria Oskroba.

« Dans les restaurants, on les sert ainsi pour apporter de la diversité dans l’assiette. Bien sûr, je serai indulgente avec vous, ce n’est pas un concours » plaisante-t-elle, applaudissant Gauthier pour sa première réussite. « Je vais en faire mon métier, je crois ! » s’amuse ce dernier.
Dernière étape avant la dégustation
Plutôt que de les frire, la Varsovienne opte pour une cuisson à l’eau bouillante, évitant ainsi les 24 heures de repos au réfrigérateur normalement requises.

« La pâte est assez fine pour être cuite en seulement quatre minutes : deux minutes au fond de la casserole, puis deux minutes une fois qu’ils remontent à la surface, » explique-t-elle en plongeant les pierogi dans l’eau frémissante. « Et voici une autre astuce : baisser la température dès qu’ils commencent à faire des bulles permet d’éviter qu’ils ne se désagrègent. »
À peine prêts, les pierogi sont avalés à une vitesse impressionnante. Le succès est tel que la cheffe doit faire plusieurs allers-retours pour remplir des assiettes qui se vident aussitôt.
« C’est exactement comme je l’espérais. Je retrouve les mêmes sensations que lorsque ma grand-mère les préparait. Elle aimait aussi en faire en version sucrée, avec des fraises ou des bleuets… Dommage qu’on n’en ait pas fait aujourd’hui », confie Fiona, un brin nostalgique.

« Pour mon classement, je mets le fromage en premier, la viande en deuxième et la version végétarienne en troisième, » déclare Gauthier
Et comme le veut la tradition depuis six ans, l’atelier se termine par la remise d’un certificat, preuve que les apprentis ont réalisés leurs premiers pierogis. « Je vais envoyer une photo à mon grand-père. Ça va lui faire plaisir de voir que je m’intéresse à sa culture », juge Gauthier.
Alexandre Simoes
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