Quand l’habit fait le moine, le prêt-à-porter religieux en profite

Aux abords des lieux de culte, les boutiques de prêt-à-porter ecclésiastiques connaissent un vrai essor. Czestochowa, destination importante de pèlerinage polonaise, n’y fait pas exception. Depuis plus de 30 ans, dans la boutique spécialisée Temporis, les prêtres et religieux y trouvent des tenues adaptées à la liturgie, mais parfois aussi à leurs goûts personnels.

À Czestochowa, la basilique de Jasna Gora surplombe la ville. De la gare, impossible de la rater. Avec son imposant sanctuaire, cette destination est devenue un lieu de pèlerinage pour les près de 5 millions qui s’y déplacent chaque année. Objectif : prier, voire approcher pour les plus chanceux, la célèbre Vierge noire. L’icône est notamment connue pour sa garde-robe ; dix tenues différentes placées devant l’œuvre pour « habiller » Marie.

Et le tableau n’est pas le seul à faire preuve de coquetterie. Les religieux de ce lieu sacré sont tenus d’être à la pointe de la mode ecclésiastique. Alors à peine un pied en dehors de la basilique, la boutique Temporis se charge d’habiller les gardiens de Jasna Gora. À l’intérieur, une petite dame, voile sur la tête et vêtue de sa robe noire typique de nonne, achète son mètre de tissu. Les trois vendeurs qui tiennent l’échoppe s’affairent à satisfaire les moindres désirs des religieux. « Cela fait six ans que je suis vendeuse ici et je ne changerais de métier pour rien au monde, c’est tellement simple de travailler avec les religieux, on a les clients les plus gentils qui puissent exister », explique Katarzyna en emballant le tissu.

La boutique propose à la fois des tenues, des objets sacrés et des chutes de tissus. / Photo Camille Sciauvaud

Un savoir-faire qui a un prix

De la sacoche aux chasubles de toutes les couleurs en passant par les calices, le choix y est large. « Une chasuble verte pour le temps ordinaire, une violette pour la période de carême, une rouge et une rose pendant les événements particuliers de la liturgie », détaille la vendeuse. De quoi satisfaire tous les besoins des hommes d’Eglise. « On n’est pas la seule boutique pour religieux de la ville, mais on est la plus connue », insiste avec fierté la quadragénaire. Il faut dire que le magasin est une vraie institution. À deux pas de la basilique, elle existe depuis plus de 30 ans et propose à la vente des vêtements produits et cousus en Pologne.

Cette boutique très codifiée ne s’adresse donc pas à des clients comme les autres. Pour autant, elle profite d’un succès sans précédent. Car même si on ne peut y acheter des souvenirs pour touristes, la simple vente d’accessoires liturgiques suffit à faire survivre la boutique. « On a dix à vingt personnes par jour et ce qui marche le mieux c’est la chemise accompagnée de son col romain pour les prêtres », explique Katarzyna. Un ensemble de base et indispensable pour les ecclésiastiques vendu pour la modique somme de 120 zloty – soit 28,50 euros.

Pourtant, à l’entrée de Temporis, ce ne sont pas les tenues sobres et classiques des religieux qui sont mises en avant. Pour attirer le client, les très élégantes chasubles aux coutures dorées et embellies de broderies sont visibles de la vitrine. Accrochées sur des cintres fragiles en plastique, ces tenues s’adaptent aux goûts de chacun. Et comme dans tout magasin de vêtements, être à la mode a un coût. « La chasuble avec la broderie de la Vierge noire coûte 800 zloty, 1.200 avec l’étole », précise la vendeuse en effleurant avec respect la robe. Soit une tenue qui peut monter jusqu’à 285 euros. Pour autant, la vendeuse est formelle : « ce n’est pas « fashion », c’est pour la liturgie ! ». Avant de concéder que les habits les plus extravagants sont des petits plaisirs que se permettent les religieux.

Certaines chasubles arborent des broderies adaptées aux événements religieux du moment. / Photo Domitille Robert

Des commandes de toute l’Europe

Un vrai business pour les propriétaires de ces boutiques. Forte de ses plus de 30.000 prêtres et un peu plus de 2.000 séminaristes, la Pologne fait partie des pays où ce genre de magasins sont le plus susceptible de prospérer. Des tenues que les religieux s’offrent grâce à une allocation distribuée par leur diocèse. Elle provient essentiellement de dons récoltés lors des quêtes à la messe, ou encore pendant les événements tels que les baptêmes et les mariages. Pas un problème pour un pays comme la Pologne où plus de 70% de la population se déclare catholique.

Autre particularité du pays : la religion fait partie des dépenses de l’Etat. L’Eglise polonaise se repose depuis 1950 sur un « fonds ecclésiastique ». Chaque année s’y ajoutent presque 40 millions d’euros prélevés directement dans le budget du pays. Une somme qui permet entre autres de payer les cotisations de retraite des membres du clergé et les frais d’entretien des églises. La question du salaire des religieux n’est donc pas un frein à se faire plaisir.

Des petits plaisirs qui se manifestent jusque dans le choix du vin pour la messe. Bouteille à la main, Katarzyna lit l’étiquette avec attention : « Celui-ci est un vin d’Espagne, spécialement conçu pour l’Église catholique. C’est le prêtre qui choisit son vin pour la messe, selon ses goûts, celui-là est plutôt sucré, mais d’autres sont plus amers. » Des bouteilles qui voyagent de l’Europe de l’Ouest pour arriver jusqu’à Czestochowa.

Un marché du religieux qui prospère donc à l’international. Car pour Temporis, la clientèle ne s’arrête pas aux frontières de la Pologne. En plus des prêtres venus du monde entier en pèlerinage et qui se réapprovisionnent dans la boutique, « on a des commandes dans d’autres pays d’Europe », explique la vendeuse. À l’instar des magasins de vêtements les plus populaires, la boutique possède un site en ligne qui propose de commander leurs produits. Un moyen de s’inscrire dans l’ère du temps et de ne jamais manquer la dernière tendance ecclésiastique.

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