La génération Z se détourne du bureau pour les métiers manuels
En Pologne, de plus en plus de jeunes de la génération Z, nés entre 1990 et 2012, se tournent vers les métiers manuels et techniques, attirés par la stabilité de l’emploi et un cadre de travail sain. Ces filières gagnent en popularité, notamment dans les secteurs de la mécanique, de la logistique ou de l’artisanat.
Lorsque la sonnerie retentit dans le complexe technique Leopold Staff de Varsovie, une marée d’élèves sort des salles de classe. Fondée au XIXe siècle, cet imposant lycée offre la possibilité à plus de 1100 élèves de se spécialiser dans des métiers manuels et techniques tels que la mécatronique, l’informatique ou l’électronique.
Parmi cette marée humaine, Kamil, 19 ans, se dirige vers l’atelier où il perfectionne son savoir-faire sur des machines de pointe. Comme la plupart des élèves de sa classe, exclusivement composée de garçons, il poursuit un parcours technologique et professionnel. « Les cours théoriques m’ennuient. J’aime être en action, avoir des choses à faire », explique Kamil tout en manipulant des fils, les branchant et débranchant pour s’assurer du bon fonctionnement de sa machine. Depuis son ordinateur, il programme les instructions nécessaires pour que l’appareil exécute des tâches précises. Son rôle principal consiste ensuite à surveiller son bon déroulement. En cas de problème, c’est à lui d’intervenir pour diagnostiquer et réparer la machine.



Génération Z et travail manuel
Comme Kamil, les jeunes Polonais seraient de plus en plus nombreux à vouloir se diriger vers des métiers manuels ou techniques. Dans une étude réalisée par Job Impulse, une entreprise de recrutement polonaise, 53 % des jeunes Polonais de la génération Z (1990-2012) seraient plus intéressés pour se diriger vers des métiers manuels et techniques, plutôt que par des métiers de service ou de bureau. Une hausse par rapport aux précédentes années. 10% d’entre eux se disent même « très attiré » par ces métiers.
Slawomir Kasprzak travaille dans ce lycée depuis les années 1990. Aujourd’hui il en est le directeur. Il estime que pour ces jeunes, la réalité du marché favorise aussi l’entrée dans le monde du travail. « Les élèves des écoles techniques ont plus de chance de trouver un emploi stable, estime le directeur. Il y a beaucoup d’offre dans ces secteurs en Pologne. Les métiers concernés sont principalement ceux du bâtiment, de l’électricité et d’autres domaines techniques. » C’est aussi ce que met en exergue le PDG de Job impulse Lukasz Koszcol. « Avec la croissance du secteur de la logistique, de la construction ou de la fabrication, le travail manuel reste un élément clé de la croissance de l’économie polonaise. »
Si Slawomir Kasprzak ne constate qu’une légère hausse d’étudiants dans l’éducation professionnelle à Varsovie, d’autres régions polonaises sont plus touchées. « Dans certaines villes comme Bydgoszcz – ville de 300.000 habitants dans le nord du pays – la tendance est plus marquée. » En Pologne, « l’enseignement académique évolue en fonction de la situation politique, démographique et technologique du territoire », explique le directeur de l’école. « A Bydgoszcz, il y a beaucoup de grandes entreprises et d’industries. C’est différent de Varsovie. Ces dernières années, la municipalité a financé les cursus professionnels dans cette perspective. » Dans cette région, la hausse de jeunes qui se dirigent vers des voies technologiques est plus notable.
La jeunesse va souvent de paire avec la technologie. Avec l’avènement de l’intelligence artificielle dans leur réalité, certains jeunes Polonais redoutent de se diriger vers des métiers qui pourraient être supplantés par des intelligences artificielles. « Les métiers que nous préparons restent très concrets. Je pense que l’humain aura toujours la main dans ces secteurs, opine Kamil. C’est aussi une des raisons de mon choix. Ne pas être remplacé. »


Si la stabilité de l’emploi qu’offrent les secteurs techniques et manuels au sortir de l’école attirent les jeunes polonais, ils sont à la recherche d’un cadre de travail sain. Szymon est élève dans l’école. Ce jeune polonais de 17 ans aspire à travailler dans la mécanique robotique. Échangeant avec ses camarades de classe durant la pause, Szymon exprime son refus de travailler derrière un ordinateur toute la journée et d’exercer un métier stressant. « En travaillant dans la logistique ou mécanique, j’aurai journées bien réglées et ordonnées. Je ne veux pas faire des journées à rallonge dans un métier qui me stresse et me déplait. »
Des métiers technologiques… mais pas que
Mais tous les jeunes Polonais ne se tournent pas uniquement vers la mécanique ou la logistique. Pour certains, l’attrait du travail manuel se traduit par un besoin de création et de personnalisation.
C’est le cas de Piotr Dudek. Dans son appartement qui lui sert d’atelier, il répare et confectionne des chaussures et sneakers sur-mesure. À 30 ans, il a fait de la cordonnerie son métier depuis plus de sept ans. Dans son entourage, Piotr n’est pas le seul à avoir choisi de faire travailler ses mains. « J’ai beaucoup d’amis qui ont quitté leur emploi pour se tourner vers des métiers manuels. Les débuts sont toujours difficiles et demandent beaucoup de sacrifices, se remémore-t-il. Mais il faut bien commencer quelque part pour construire son propre bonheur. »
Dans son rapport de 2024, Big Infomotor constate une évolution saisissante sur les envies des jeunes polonais diplômés. En 2018, 95 % des lycéens aspiraient à poursuivre des études supérieures. Sept ans plus tard, le contraste est fort. Seulement 56 % d’entre eux souhaitent poursuivre des études supérieures.
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