Quand l’extrême droite polonaise rêve d’un retour du roi
Alors que l’élection présidentielle polonaise approche, l’extrême droite royaliste fait entendre sa voix au sein de la coalition Confédération. Son candidat, Slawomir Mentzen, sans réel espoir de victoire, attire une jeunesse séduite par l’idée d’un retour à la monarchie. Si cette hypothèse reste hautement improbable, elle montre une montée en popularité de ces idées nationalistes et traditionalistes.
Difficile d’imaginer sa victoire le poing levé, le 1er juin prochain, à Varsovie. Mais Slawomir Mentzen, sulfureux candidat de la coalition d’extrême droite « Confédération », attire les regards en Pologne. Très populaire sur les réseaux sociaux auprès des jeunes comme sur Tiktok ou il partage de nombreuses vidéos à ses 1,4 million d’abonnés, le trentenaire se présente pour sa toute première fois à une élection présidentielle. Il tentera de faire mieux que son prédécesseur, Krzysztof Bosak, qui avait glané la confiance de 6,78% des votants en 2020.
Slawomir Mentzen est le candidat de toutes les extrêmes droites. Il fédère autour de lui antisémites, racistes, homophobes, europhobes et même des monarchistes. Au sein de l’alliance Confédération, le parti Confédération de la couronne polonaise prône le retour sur le trône d’un roi de Pologne, système politique que le pays n’a plus connu depuis 1795 lorsqu’il faisait encore partie de la République des Deux Nations Pologne-Lituanie. La monarchie était à l’époque élective.
Un fondateur qui enchaîne les scandales
Le leader et fondateur de Confédération de la couronne polonaise, Grzegorz Braun, enchaîne les scandales. Lors des commémorations du 80e anniversaire de la libération d’Auschwitz au Parlement européen, mercredi 29 janvier, l’eurodéputé a volontairement perturbé la minute de silence en criant à plusieurs reprises avant d’être exclu de l’hémicycle. En 2023, au parlement polonais, cette fois, il s’était saisi d’un extincteur qu’il avait vidé sur une menorah, un chandelier à neuf branches symbole du judaïsme. Il avait justifié cet acte antisémite en sous-entendant que la Pologne « était en train de devenir un État juif ».
Le parti que Grzegorz Braun a fondé en 2019 prône un « retour à une Pologne catholique nationaliste et traditionaliste ». Très critique envers les « dépenses sociales » du PiS de Duda, Braun juge que l’État ne doit se cantonner qu’aux tâches régaliennes et « défendre la foi catholique de la Pologne ». Surfant sur les difficultés économiques en partie liées aux différentes crises internationales (Covid, guerre en Ukraine), les idées monarchistes de Braun semblent gagner en popularité.
Chaque 11 novembre, dans les rues de Varsovie se rassemblent des dizaines de milliers de manifestants. Ils répondent, pour beaucoup, à l’appel de l’extrême droite pour célébrer le jour de l’indépendance. Le 11 novembre 1918 marque la fin de la Première guerre mondiale, mais également le retour de la Pologne après 123 ans de partition entre la Prusse, la Russie et l’Empire austro-hongrois.
Derrière le slogan « Dieu, Honneur et Patrie », ils sont des milliers à envisager, parmi la foule, le retour au pouvoir d’un monarque. En 2021, la marche, que le maire de Varsovie avait tenté de faire annuler, réunissait plus de 200.000 personnes et des titres de presse comme la Gazeta Krakowska, plus grand quotidien de Cracovie, titraient même le lendemain « Un roi pour la Pologne est recherché de toute urgence ».
Alors un retour de la monarchie est-il possible à l’issue de l’élection présidentielle 2025 ? Aucune chance selon les analystes politiques. Premièrement, la présence du courant royaliste de Confédération pour la couronne polonaise est minoritaire dans la coalition d’extrême droite qui se présente à la présidentielle. Confédération est constitué de partis comme Nouvel espoir ou Mouvement national qui ne se revendiquent pas royalistes. Deuxièmement, le candidat de l’alliance, Slawomir Mentzen n’a que très peu de chances de l’emporter.
Enfin, si la coalition venait à l’emporter et que les velléités royalistes de Grzegorz Braun se confirmait en son sein, il faudrait que le parti décide d’une personne à mettre sur le trône. Pas une mince affaire, plusieurs branches, dont la plupart des membres résident à l’étranger, sont légitimes. C’est le cas des Bourbon, Romanov, Czartorsky ou bien encore des Habsbourg.

Au Palais Royal de Varsovie, les visites battent leur plein pour découvrir l’histoire de la monarchie polonaise et de ce bâtiment détruit lors de la Seconde guerre mondiale puis reconstruit à l’identique. Difficile pour les guides interrogés d’imaginer cet édifice à nouveau habité par un monarque. Si plusieurs conférenciers et membres du personnel bottent en touche, Lucie*, qui vient de faire visiter l’édifice à des scolaires, estime catégoriquement que « ce palais ne devrait pas retrouver d’habitant avant un long moment ».
Des jeunes tentés par la monarchie
Si le trône devrait bien rester vide, les intérêts de certains Polonais pour ce régime ne sont néanmoins pas négligeables. Et la présence de nombreux comptes royalistes sur les réseaux sociaux tenus par des jeunes interpelle. L’un des mouvements les plus récents est le Polskie Kolo Monarchistyczne. Pour cette association, qui tente de se faire entendre et organise régulièrement des conférences, les institutions polonaises n’existent plus. « Grands partis politiques, médias et ONG ont cassé la Pologne, ils l’ont divisé en deux. Un roi donnerait à ses enfants un pays avec compétence, foi et bonne loi. », estiment-ils.
Mais là-encore, les différents mouvements de jeunes monarchistes buttent sur des désaccords profonds. Certains envisagent le retour d’un roi dans le cadre d’une monarchie parlementaire, à l’image de celles aujourd’hui en place en Espagne ou au Royaume-Uni. D’autres vont jusqu’à assumer de soutenir une monarchie absolue, dans laquelle le droit de vote serait retiré aux Polonais. En attendant qu’ils se mettent d’accord, les élections présidentielles de 2025 devraient à nouveau départager les deux grands mouvements polonais, le PIS et la Coalition civique. Le retour du roi n’est pas pour tout de suite.
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