« Chopin attire du monde ! » : Ces lieux parisiens qui entretiennent la mémoire du pianiste franco-polonais

Sa vie fut brève, mais cela lui a suffi pour rentrer au Panthéon des plus grands compositeurs de son époque. Frédéric Chopin, français par son père, a passé sa jeunesse dans l’actuelle Pologne (duché de Varsovie, puis royaume de Pologne dès 1815) avant de s’installer à Paris en 1831. 175 ans après sa mort, des lieux de la capitale française permettent encore de se raccrocher à l’aventure parisienne du virtuose romantique. 

Yan Daniel, depuis Paris.

Qui n’a jamais entendu un jour passer les premières mesures du Nocturne, op. 9 No.2, de Frédéric Chopin ? Une composition réalisée autour de vingt ans qui en fait l’un des airs au piano le plus connu au monde. Éminent représentant du romantisme, Chopin était déjà qualifié de génie par ses maîtres lors de son apprentissage musical.

Après avoir quitté l’actuelle Pologne en 1830, sous domination russe à l’époque, il décide de poser ses bagages à Paris, capitale culturelle sous la monarchie de Juillet (1830-1848). Quelques semaines plus tard, débute l’insurrection de Novembre, le royaume de Pologne se soulève contre le tsar Nicolas Ier et l’empire Russe. Le jeune homme se retrouve alors dans cette grande vague d’immigration polonaise en France.

Fraîchement arrivé dans cette capitale où les arts s’épanouissent des rues aux salons mondains, le pianiste ne retournera plus jamais en Pologne. Dans une correspondance avec son ami Tytus Woyciechowski, Chopin décrit l’ambiance comme suit : « Paris est tout ce que tu voudrais qu’il fût. Tu peux t’y divertir, t’y ennuyer, y rire, y pleurer, y faire ce que bon te semble sans que personne ne te gratifie d’un regard. »

Au fil des appartements

Aujourd’hui, trouver des lieux dédiés au compositeur franco-polonais se comptent sur les doigts de la main. Il y a bien sûr des rues et des places portant son patronyme. Un hôtel affiche également son nom, passage Jouffroy, à deux pas des Grands Boulevards et des effluves de nourritures provenant des grands bouillons parisiens à la nuit tombée. En tout, Chopin séjournera dans neuf appartements. La faute à une santé très fragile l’amenant à préférer des pièces aérées.

Parmi les neufs, certains n’existent plus 175 ans après, mais l’un porte encore la trace de sa présence. Direction le 12, place Vendôme, où au-dessus de la façade d’un magasin de luxe, est placardé un écriteau mentionnant le passage du pianiste en ce lieu. Dans cet appartement privé, l’homme n’y vivra que quelques mois.

Au 12, place Vendôme, une plaque en hommage à Chopin se trouve au-dessus des magasins de luxe. Photo : Yan DANIEL

Du salon de cette habitation, il est possible d’en retrouver une trace. Une aquarelle, peinte par l’un des proches de Chopin. Aquarelle qui a même inspiré la reproduction d’un pan de l’environnement du compositeur. Depuis 2009, la Société historique et littéraire polonaise de Paris (SHLP), installée sur l’île Saint-Louis depuis 1854, met à l’honneur son ancien membre avec une exposition permanente baptisée le « Salon Chopin ».

Sous les lustres d’antan éclairant une large pièce servant d’exposition, une femme nous aborde, l’air intrigué. « Vous vous intéressez aux poètes polonais ? », dit-elle en souriant. Guide ici depuis sept ans, Irena Wasylik s’occupe de renseigner les visiteurs dans les différentes expositions que propose la SHLP. Jouxtant la pièce principale du premier étage, le fameux « Salon Chopin » se dévoile tout comme la musique d’ambiance, quelques « Études » du compositeur. « Dans cette pièce, nous avons reproduit un papier peint et une moquette comme à l’époque, introduit la guide d’origine polonaise. Grâce à des dons de descendants ou d’amis, nous avons réussi à rassembler divers objets autour de Chopin dans ce salon. »

Le Salon Frédéric Chopin existe depuis 2009. Il est inspiré de cette aquarelle représentant le salon du dernier appartement du compositeur. Photo : Yan DANIEL

Dans cette pièce à la lumière chaleureuse, l’espace est richement occupé par des peintures, des bustes, des dessins, des documents et d’autres curiosités reliées à Frédéric Chopin, comme un résumé de sa vie réuni dans cet écrin de la SHLP. « Les objets appartenant à Chopin ne sont pas faciles à retrouver, car ils ont été vendus lors d’une enchère publique, peu de temps après son décès », raconte Irena Wasylik, qui pointe l’affiche de ladite vente, accrochée au mur. « C’est sa sœur qui a organisé cette vente pour rembourser de nombreux frais après la mort de son frère. Il faut savoir que Chopin menait une vie de dandy », sourit-elle.

Dans le salon, bustes et portraits d’époque côtoient les visiteurs. Photo : Yan DANIEL

Comme dans un cabinet de curiosités, la pièce expose également un piano demi-queue de la marque Pleyel. Clavier sur lequel aurait joué Chopin d’après les dires des généreux donateurs. Plus loin, un plâtre du masque mortuaire du pianiste est également exposé aux curieux.

En France, Frédéric Chopin compose une grande partie de son répertoire. Parmi les morceaux les plus connus, on trouve l’Étude op. 10, No.3, surnommée « Tristesse », connue pour ses nombreux arrangements et son jeu en legato. Chopin compose également sa Sonate pour piano nº 2, Op. 35, dont le célèbre troisième mouvement, la « Marche funèbre », a été écrit entre 1837 et 1839. D’autres œuvres connaîtront un franc succès jusqu’à nos jours. Certains de ces morceaux ont été repris et réarrangés, tant en France qu’à l’étranger, à l’instar du Prélude op. 28, No.4, composé par Chopin entre 1838 et 1839.

« Les Japonais ont Chopin en tête lorsqu’ils viennent à Paris »

Des curieux, il y en a de tous les horizons d’après Irena Wasylik : « Chopin attire du monde ! Nous avons pas mal de Polonais, seuls ou en groupe, des associations… Avant la guerre en Ukraine, il y avait des étudiants russes en musique qui venaient nous voir, commente la guide. Les Japonais ont Chopin en tête lorsqu’ils viennent à Paris, on en voit souvent passer à l’exposition », s’amuse Irena Wasylik tout en montrant quelques signatures nippones sur le livre d’or à la sortie du salon.

Main en plâtre, masque mortuaire ou même fauteuil ayant appartenu au pianiste, la pièce fait remonter le temps au visiteur. Photo : Yan DANIEL

La santé fragile de Frédéric Chopin aura finalement raison de lui. L’homme s’éteint en octobre 1849 à l’âge de 39 ans d’une tuberculose d’après une étude récente de chercheurs polonais. Enterré au cimetière du Père-Lachaise, c’est finalement sa dernière demeure (classée aux monuments historiques en 2008) qui attire de nombreux touristes et curieux comme l’explique un employé du cimetière croisé sur-place : « La sépulture de Chopin attire beaucoup de visiteurs. Pas mal de Polonais viennent ici, sa tombe est d’ailleurs décorée de rubans et de drapeaux aux couleurs de la Pologne. »

La tombe de Frédéric Chopin (11e division) au Père-Lachaise est l’une des plus visitées. Photo : Yan DANIEL

Les 18 ans qu’a passés Frédéric Chopin à Paris lui ont permis de marquer la capitale de son empreinte et plus généralement le monde musical jusqu’à aujourd’hui. Bien que son image soit plus timide que dans la capitale polonaise, il n’est pas rare de le rencontrer au détour d’une rue. Une de ses compositions au piano sortant d’un magasin, une exposition éphémère dans une galerie, son portrait placardé sur un panneau publicitaire ou encadré sur un célèbre piano rue de Verneuil… Frédéric Chopin se conjugue aussi bien avec la Pologne, qu’avec Paris.

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