Avec son musée d’art moderne, Varsovie veut tourner la page du communisme
Face au Palais de la Culture, vestige et symbole du communisme, Varsovie inaugure son musée d’art moderne, symbole d’un renouveau urbain et culturel. Ce bâtiment, conçu pour marquer une rupture avec le passé, divise. Inauguré en octobre dernier officiellement, il doit ouvrir ses portes au public le 21 février.
Le bâtiment cubiste, d’un blanc immaculé et d’architecture moderne, avec ses grandes baies vitrées, a presque l’air d’avoir été téléporté. Depuis quelques mois, le cube s’érige le long de l’avenue Marszałkowska, sur cette grande esplanade carrée du centre de Varsovie qu’on appelle « Place des Défilés ». Le musée d’art moderne (surnommé « MSN ») fait directement face à l’imposant Palais de la Culture et des Sciences, « cadeau » commandé par Staline en 1955 après l’annexion de la Pologne par le bloc soviétique.
Face à ce nouvel édifice, le gratte-ciel aux allures d’Empire State Building – les architectes se sont inspirés du style new yorkais de l’époque -, bien que symbole de l’ère communiste, est aujourd’hui emblématique de la capitale polonaise. Le face-à-face de ces deux édifices est loin d’être anodin. Car l’idée de construire le MSN à proximité du monument communiste est née dès la fin de la dictature en 1989. La Place des Défilés, lieu de propagande militaire, symbolise dès lors un passé que la Pologne cherche à effacer.

« Ce projet doit représenter un contrepoint au Palais de la Culture, (…) un nouveau symbole de Varsovie reconnaissable dans le monde entier », pouvait-on lire dans le règlement du concours. En 2005, la proposition est officiellement actée, mais elle aura fait couler beaucoup d’encre avant d’enfin voir le jour, 19 ans plus tard. Abandonné à deux reprises, le projet est définitivement attribué à l’architecte américain Thomas Phifer en 2017. Si le musée d’art moderne existe depuis 20 ans, il a déjà connu trois emplacements différents, avant de poser ses valises dans cet édifice, destiné à l’accueillir durablement.
La modernité au coeur du projet
Les façades extérieures de l’édifice rectangulaire sont en béton blanc uniforme. « L’architecte voulait donner au musée l’impression d’être léger comme un nuage », commente Tomasz Fudala, conservateur de l’exposition « Varsovie en construction ; Le musée entre la place et le palais », présentée en octobre pour l’inauguration. Un style pour contraster avec le style soviétique. «Avant, l’endroit était vide, triste. L’arrivée du musée, un espace beaucoup plus chaleureux, était cruciale. On ne voulait pas construire un autre centre commercial », observe Tomasz Fudala,
A l’intérieur, quatre galeries spacieuses côtoient de grandes baies vitrées qui laissent entrer la lumière du jour. De massifs escaliers centraux permettent de rejoindre les différents endroits du bâtiment. « L’architecte avait l’idée de faire comme une « maison », avec plein de pièces », explique le conservateur.
Le musée ne cherche pas à incarner la modernité que par son allure. La collection permanente qui sera bientôt présentée au public fera la part belle aux artistes féminines ainsi qu’à la culture queer. Un choix pas anodin dans un pays où le poids de l’Eglise catholique est important. Sera par exemple exposée une œuvre de Karol Radziszewski, un Donald Duck épelant le mot « Sida » en anglais, évoquant la répression des droits des LGBTQIA+ sous la dictature communiste. Engagé dans une démarche écologique, le musée se compose aussi de « murs intelligents », qui permettent aux expositions éphémères de recomposer l’espace à l’infini, sans générer de déchets.



Un projet qui divise
L’institution doit être « l’un des éléments les plus importants du nouveau centre de Varsovie, un lieu absolument unique, ouvert à tous », a déclaré Rafal Trzaskowski, le maire de Varsovie, lors d’une conférence de presse. Sa mise en place n’a pas été sans éprouver quelques critiques. Dès le début des travaux le cube de béton blanc est moqué, surnommé le « bunker », ou la « boîte à chaussure ». « Il y a beaucoup de critiques qui semblent venir de l’extrême droite (…) on ne peut pas vraiment mesurer le ressenti général », se lamente Tomasz Fudala, qui y voit avant-tout un affrontement politique.
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Pour Anna Cymer, historienne de l’architecture, la raison est plus complexe. « Les Polonais ne sont pas très familier de l’architecture contemporaine, analyse la spécialiste. Il y a aussi un complexe. On rêve toujours de cette ville qui était belle avant d’être détruite pendant la guerre. Maintenant il n’y a que des bâtiments modernes, les Varsoviens sont réticents quand il y en a de nouveaux qui apparaissent ».
La municipalité compte en tout cas sur le Musée pour dynamiser la vie du centre-ville de Varsovie. Tout autour, l’esplanade des défilés est en grand chantier, et devrait bientôt accueillir des arbres, des points d’eau, des bancs, et un théâtre, pour devenir « un tout nouvel espace public », relate Tomasz Fudala. « Ça sera complètement différent d’avant », assure le spécialiste du musée.
Le Musée d’art moderne de Varsovie ouvrira officiellement au public le 21 février 2025.
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