L’écologie, grande absente de l’élection présidentielle polonaise

La course à l’élection présidentielle, notamment entre la Coalition civique, à la tête du gouvernement polonais, et le PiS, qui occupe la présidence, écarte du débat public les problématiques environnementales. La Pologne, dépendante du charbon, opère pourtant sa transition énergétique.

« On se sent fort comme jamais nous ne l’avons été », s’enflamme Michal Suchora, porte-parole de « Zieloni », le parti politique des Verts polonais. Pourtant, lors des élections législatives de décembre 2023, les 29 candidats du parti, qui s’étaient présentés au sein de la Coalition civique – menée par les libéraux de Plate-forme civique et Donald Tusk -, n’ont remporté que trois sièges.

Le grand succès des Verts, si l’on peut le qualifier ainsi, a eu lieu à la suite de la victoire de la coalition. Le parti, à travers sa présidente, Urszula Zielinska, a obtenu le poste de secrétaire d’État au ministère du Climat et de l’environnement. Dans son sillage, les Verts tentent depuis d’insuffler leur vision, notamment sur la problématique de l’énergie. Un an après leur entrée au gouvernement, « le débat est en train de changer en faveur de l’écologie. Il y a dix ans, la question était de savoir si nous allions quitter le charbon. Aujourd’hui, nous nous penchons sur les questions du quand et du comment », se félicite Marek Jozefiak, de Greenpeace Pologne.

Droitisation du débat politique

Mais à quatre mois de l’élection présidentielle, le débat politique s’est détourné des problématiques environnementales. Plutôt, il se déplace en direction des sujets de prédilection du PiS, le parti de droite conservatrice dont est issu le président polonais sortant, Andrzej Duda. « La stratégie de Rafal Trzaskowski (candidat à l’élection présidentielle pour la Coalition civique) est de s’emparer des sujets du PiS pour ramener le plus de votants possible de son côté », analyse Wojciech Kosc, journaliste spécialiste des questions environnementales. La bataille se joue donc sur l’avortement, l’immigration ou l’économie. « Sur le thème de l’énergie par exemple, le débat se concentre sur son prix plutôt que sur sa propreté ».

Ces deux dernières années pourtant, la Pologne a changé de cap, bien que son mix énergétique dépende encore du charbon. En 2022, il représentait 70% du mix énergétique du pays, deux ans plus tard, et pour la première fois dans l’histoire polonaise, il n’en représentait qu’un peu plus de 50%. Pour cause, lors des élections législatives de 2023, la Coalition civique s’est engagée en faveur du développement des énergies renouvelables. Ils ont notamment fait la promesse de « revenir sur les lois restrictives du précédent gouvernement conservateur », se rappelle Marek Jozefiak.

En 2016, le PIS avait instauré une loi interdisant les turbines dans un rayon équivalent à la hauteur de dix éoliennes, soit 2 km, autour de parcs naturels ou de bâtiments. Huit ans plus tard, l’éolien a trouvé sa place en Pologne, si bien qu’il représente près de 15% de l’électricité polonaise produite, contre seulement 6,6% en 2015, selon l’agence internationale de l’énergie. Aujourd’hui, avec Karol Nawrocki en tête de liste pour les élections, le PIS reste dans sa lignée. « Il ne souhaite pas agir pour freiner le dérèglement climatique et ne sont pas favorables à l’instauration de nouvelles réglementations environnementales », affirme Wojciech Kosc.

« La tactique de Rafal Trzaskowski est un pari »

Paradoxalement, ces dernières années, une partie de la population polonaise s’est positionnée pour une politique plus verte, estime Marek Jozefiak. « En 2017, il y a eu des manifestations pour l’arrêt de l’exploitation de la forêt de Bialowezia, ou encore contre celle de la forêt des Carpates. Les Polonais se sont dit que ce pays avait trop extrait de ressources naturelles ». « La tactique de Rafal Trzaskowski est un pari. Si il continue d’ignorer une partie de son électorat, ils ne viendront tout simplement pas aux urnes le jour du vote », prévient Wojciech Kosc.

À l’échelle européenne, la Coalition civique maintient sa stratégie de droitisation. Devant le Parlement européen, Donald Tusk a appelé à « une révision complète et très critique » du Pacte vert. Voté entre 2019 et 2024, cet ensemble de lois doit permettre aux pays de l’Union européenne de respecter les accords de Paris et leur impose d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Le Premier ministre craint pour la compétitivité de la Pologne et veux faire diminuer les prix de l’énergie, alors que le pays attend désespérément son premier réacteur nucléaire.

Romain Tible

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