A Auschwitz, un hommage marqué aussi par les crispations politiques
Le 80e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau se voulait apolitique. Mais même en évitant les prises de parole de grands dirigeants, l’organisation de la cérémonie n’a pas été épargnée par les crispations et le contexte géopolitique tendu.
L’événement est historique, la photo aussi. A l’occasion de la cérémonie du 80e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau, une soixantaine de délégations officielles se sont retrouvées en Pologne pour ce grand rendez-vous mémoriel. Parmi les personnalités présentes, Emmanuel Macron, mais aussi, le chancelier allemand Olaf Scholz, le roi Charles III ou encore le chef du gouvernement canadien Justin Trudeau. Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, a annoncé sa venue au dernier moment et s’est installé aux côtés du souverain britannique.
Mais l’événement devait plutôt laisser la place à la parole des survivants, plutôt qu’à la parole politique. « Je ne permettrais pas que cette cérémonie soit portée du rang des débats politiques, diplomatiques ou juridiques. Ce ne sont pas ces voix-là qui prévaudront ce jour-là », avait promis Piotr Cywinski, historien et directeur du musée national d’Auschwitz-Birkenau. Aucun discours d’officiel n’était d’ailleurs prévu. Une volonté de mettre en avant les rescapés encore vivants, puisqu’il pourrait s’agir du dernier grand anniversaire en présence de survivants.
Le contexte géopolitique n’a pourtant cessé d’alimenter les polémiques autour de cette commémoration et difficile d’éviter les images des personnalités politiques au premier rang, pour un événement retransmis dans le monde entier et pour lequel un millier de journalistes ont fait le déplacement. Au coeur des crispations avant l’événement: la nature de la représentation de l’Etat d’Israël, et la possible présence de Benjamin Nétanyahou, sous le coup d’un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) depuis le 21 novembre 2024, pour crimes contre l’humanité et de crimes de guerre dans le contexte de la guerre à Gaza. C’est finalement Yoav Kisch, ministre de l’Éducation d’Israël, drapeau du pays hébreux sur sa poitrine, qui est venu à Auschwitz représenter son pays.
Le Proche-Orient s’est invité dans les discours
Le président Polonais, Andrej Duda, avait laissé la porte ouverte à une éventuelle venue du Premier ministre israélien mi-janvier lors d’un entretien accordé au Jérusalem Post « Les autorités israéliennes sont les héritières de la mémoire de la Shoah, et la Pologne est la gardienne de cette mémoire ». Varsovie, via son premier ministre Donald Tusk, s’est exécuté en indiquant garantir un séjour sécurisé à toute délégation israélienne souhaitant assister au 80e anniversaire de la libération d’Auschwitz. Une prise de décision qui n’a pas tardé à susciter la polémique dans le pays. La Pologne, en tant qu’État membre du traité de Rome à l’origine de la CPI, devrait arrêter le Premier ministre israélien en cas de venue sur son sol. Dans les grandes villes du pays, des manifestations ont éclaté en amont de la cérémonie pour fustiger l’attitude des dirigeants polonais.
Le contexte géopolitique du Proche-Orient a malgré tout été évoqué lors de la commémoration. Marian Turski, l’un des derniers survivants d’Auschwitz-Birkenau, a rappelé lors de son discours, dans un contexte guerre à Gaza, que « nous devons encore nous battre aujourd’hui contre l’antisémitisme » et invite le monde à « ne pas laisser le Hamas tenter de nier le massacre du 7 octobre ». Emmanuel Macron, présent dès le lundi matin au Mémorial de la Shoah, a promis que « nous ne céderons rien face à l’antisémitisme sous toutes ses formes ». Le président français a écrit sur le livre d’or du Mémorial que « l’universalisme de la France se nourrit de ces combats et se retrouve aussi dans cet imprescriptible ».
La place de la Russie contestée
Autre sujet de tension, la place de la Russie. La commémoration des 80 ans de la libération d’Auschwitz-Birkenau par les troupes soviétiques s’est également déroulée sans le président russe Vladimir Poutine. Ce dernier est aussi visé par un mandat d’arrêt par la CPI, accusé d’être impliqué dans des rapts d’enfants ukrainiens depuis l’invasion russe de l’Ukraine.
Avant l’anniversaire, Piotr Cywinski avait prévenu dans un communiqué: « nous nous souvenons des victimes, mais nous y célébrons aussi la liberté. Il est difficile d’imaginer la présence de la Russie, qui ne comprend manifestement pas la valeur de la liberté ».
Les images laissées par cette cérémonie permettront de retenir les témoignages forts des victimes, mais aussi les yeux rougeâtres et humides de Volodymyr Zelensky devant le discours du survivant polonais de la Shoah, Marian Turski. À la fin de la cérémonie, le chef d’Etat ukrainien, comme tous les autres dirigeants politique, est venu déposer une bougie devant l’entrée du camp, après les survivants. Il était l’un des rares à marcher seul, le regard grave, applaudi par les travées de l’immense chapiteau blanc abritant la cérémonie, au milieu du paysage enneigé du sud de la Pologne.
Matéo Bastian
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