Le pays du charbon a mis le cap sur le nucléaire
Pour assurer son indépendance énergétique et sortir du charbon, la Pologne a adopté une ambitieux programme nucléaire. Mais depuis, les retards s’accumulent et les coûts de construction des futurs réacteurs s’envolent.
Elle a déjà trois ans de retard, au minimum. Selon les nouveaux plans du gouvernement polonais, la première centrale nucléaire du pays, qui doit être implantée à Lubiatowo-Kopalino, à côté de la mer Baltique, doit désormais être mise en route en 2036, au plus tôt. Certains imaginent même une mise en route en 2038. En décembre dernier, le programme nucléaire polonais prévoyait le déploiement de 6 à 9 GW d’énergie nucléaire sur un maximum de deux sites, opérationnels au début des années 2040.
Le pays mise beaucoup sur ce projet de centrales pour sortir du charbon, qui représente encore plus de 50% de son mix énergétique. Son objectif reste d’atteindre la neutralité carbone en 2050, conformément aux exigences de l’Union européenne. Toutefois, le coût n’a cessé d’augmenter : le projet d’implantation des trois premières centrales nucléaires est désormais évalué à 50 milliards d’euros, au lieu des 20 milliards initialement prévus.
Un prétexte pour retarder la sortie du charbon
Cette envolée des coûts est insuffisante pour refroidir la Coalition civique, au pouvoir depuis 2023. Majoritairement pro-nucléaire, elle a hérité des travaux lancés par le précédent gouvernement, dirigé par le PiS, le parti conservateur polonais. « Le gouvernement de Donald Tusk ne fait que continuer le travail précédemment effectué, bien que fait lentement », explique Wojciech Kosc, journaliste spécialiste des questions environnementales. Pourtant « lors du premier mandat de Donald Tusk, entre 2007 et 2014, on entendait déjà parler d’un projet de réacteur nucléaire. Mais le gouvernement avait fait un mauvais travail. Il l’avait donc enterré jusqu’à ce que le PiS le reprenne par la suite », se rappelle le journaliste.
Greenpeace Pologne estime que le PiS a lui aussi instrumentalisé le nucléaire. L’ONG accuse le parti conservateur d’avoir ralenti les procédures pour retarder la sortie du charbon, qui représentait encore plus de 100 000 emplois en 2018. « Ils se sont servi de ce projet pour montrer à Bruxelles qu’ils faisaient quelque chose et se sont justifiés en disant que cela prenait énormément de temps. Ils ont ensuite utilisé cette excuse pour prolonger la durée d’exploitation des mines de charbon », affirme Marek Jozefiak, de Greenpeace.
Selon Michal Suchora, porte parole de « Zieloni », les Verts polonais, membre de la Coalition civique, ce projet nucléaire arrive « bien trop tard et est beaucoup trop cher ». « Malheureusement, nous n’avons pas notre mot à dire. Tous veulent l’atome, sauf nous », regrette le parti, plutôt favorable aux investissements dans les énergies vertes, comme l’éolien ou le solaire. En Pologne, les Verts ne possède que trois députés élus à l’Assemblée nationale, limitant ainsi leur poids politique.
Romain Tible
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