Comment Varsovie tente de se débarrasser de la voiture individuelle

Embouteillée, polluée et mal desservie par les transports en commun, Varsovie est longtemps restée dépendante de la voiture. Consciente de son retard, la ville complètement reconstruite après la seconde guerre mondiale poursuit une transition qu’elle veut spectaculaire pour espérer devenir plus verte.

Les rayons du soleil matinal viennent taper sur les baies vitrées d’immeubles flambant neufs, bordant de larges artères à trois voies. Des bâtiments d’habitation récents complètent le décor. Celui du quartier Wilanów, en périphérie sud de Varsovie. Jusqu’à présent ultra-dépendant de la voiture individuelle, cet endroit où sont installés de nombreux sièges d’entreprises n’était accessible que par quelques lignes de bus. Il est désormais relié au réseau urbain grâce au tout nouveau prolongement des lignes 14 et 16 du tramway.

Célébré en grandes pompes à l’automne par le maire de la ville, par ailleurs candidat à l’élection présidentielle, Rafal Trzaskowski, ce prolongement de 6,5 kilomètres s’inscrit dans un projet bien plus large, qui vise à désenclaver les quartiers de l’agglomération et désengorger les axes trop souvent saturés qui mènent au centre-ville. Cela facilite la vie des habitants, et améliore en profondeur les mobilités, qui deviennent moins polluantes.

Trois nouvelles lignes de métro annoncées pour 2050

Ce projet, prévu pour voir le jour sur un quart de siècle, est sur la table depuis un an. Trois nouvelles lignes de métro d’ici 2050, vont s’ajouter aux deux déjà existantes. C’est un investissement d’ampleur historique. « Nous voulons qu’en 2050, plus de la moitié des Varsoviens disposent d’un métro à moins d’un kilomètre à pied. Et là où il n’y aura pas de métro, la communication avec le tramway arrivera. Nous visons de mettre en oeuvre la ville des 15 minutes » explique la municipalité qui espère être soutenue par des fonds européens.

Le maire de Varsovie, Rafal Trzaskowski, a présenté fin 2023 le plan du métro espéré en 2050. Seules les lignes M1 et M2 existent actuellement.

Si le chantier de la troisième ligne est lancé, les lignes M4 et M5 n’en sont qu’au stade des études. En cas de réalisation complète, le métro de Varsovie verra sa longueur passer de 41,5 à 113 kilomètres. Et 17 des 18 quartiers de l’agglomération seront reliés, dont ceux trés isolés de Praga ou de Wilanów. « Malgré la pandémie, la réduction du budget de la ville par le gouvernement précédent et la guerre à la frontière orientale, nous sommes toujours en mesure de mettre en œuvre des projets d’une telle envergure » a lancé, fièrement, le maire libéral Rafal Trzaskowski, lors du lancement du projet.

Car aujourd’hui et malgré les investissements en cours, le réseau routier de Varsovie connaît des encombrements constants. Jamshed est un conducteur Uber d’origine iranienne. Entre deux coups de klaxons, il confie ses difficultés pour gagner de l’argent aux heures de pointe. « On est tout de suite dans les embouteillages. Je ne vois pas de progression depuis deux ans, déplore-t-il. C’est du temps perdu dans mon travail ». Et même en roulant dans le quartier de Wilanów, fraîchement doté du tramway, ce professionnel de la route ne relève rien de positif. « Les gens prennent leur voiture parce qu’ils sont habitués », conclut-il, légèrement énervé.

Un retard sur les infrastructures cyclables long à combler

Cette culture de la voiture est dénoncée par les défenseurs du cyclisme urbain. Pourtant, la municipalité se targue d’avoir saisi le problème. Depuis 2009, elle a lancé un programme de développement du deux roues, avec un objectif ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre calqué sur celui de l’Union européenne (une réduction de 55% des émissions d’ici 2030 par rapport à celles de 1990).

La mairie de Varsovie dit avoir réalisé plusieurs centaines de kilomètres de pistes cyclables et se félicite du système en libre service, Veturilo, apparu en 2012. En 2023, une deuxième génération de bicyclettes, plus légères et reliées à une application mobile, ont été mises en circulation.

Ces améliorations ont permis de relancer la popularité du service avec 4,9 millions de locations en 2023 contre 3,9 millions l’année précédente. Mais le retard pris par la ville en matière de pistes cyclables demeure important. Il suffit de circuler au centre-ville pour voir les vélos des livreurs zig-zaguer en tous sens sur les trottoirs. Un projet de consultation de la population a été lancé en 2020 pour décider des futurs investissements. Les cyclistes aguerris, qui se surnomment « influenceurs cyclistes », se sont regroupés dans des associations pour faire entendre leurs voix. 

C’est le cas de « Mazovie verte », association écologiste de la région historique de Mazovie dans laquelle se situe Varsovie, et de son président Marek Smyk. « Nous sommes une association militante qui existe depuis 30 ans. En tant que président, je demande la mise en place de pistes cyclables partout. Aujourd’hui c’est difficile de parler d’un réseau car les parties cyclables ne sont pas reliées entre elles et aussi il y a un peu partout ce que j’appelle des petits monstres, c’est-à-dire des aménagements dangereux », dénonce-t-il.

« Le vélo n’est pas seulement un sport, c’est un transport »

L’association publie une carte sur son site internet indiquant de différentes couleurs la qualité cyclable des artères de la ville. Vert pour les axes satisfaisants, orange et rouge pour les tronçons plus délicats voire impraticables. Elle déplore que les axes verts soient largement minoritaires mais entretient tout de même de bonnes relations avec la mairie. « La municipalité communique positivement sur le vélo, raconte Marek Smyk. Aujourd’hui on parle beaucoup de vélo à Varsovie. Tout le monde comprend que nous en avons besoin. Le vélo n’est pas seulement un sport, c’est un transport. »

Marek Smyk est plutôt confiant sur le futur du vélo à Varsovie. « Avant il y avait une stagnation, maintenant on est puissant, savoure-t-il. Il n’y a plus beaucoup de militants pro-automobile qui puissent s’opposer au vélo ». Pour poursuivre le travail et accompagner la mairie de Varsovie dans le grand bouleversement des mobilités urbaines, son association se rassemblera au Printemps avec 15 autres organisations écologistes et pro-cyclistes dans le but de former une fédération. Un acte fort pour lutter un peu plus contre le tout-voiture à Varsovie.

Les élections présidentielles de mai et juin prochain pourraient bien jouer un rôle important pour le futur des mobilités à Varsovie. Après avoir frôlé la victoire en 2020, ne s’inclinant que par 400 000 voix contre Andrzej Duda, Rafal Trzaskowski compte bien prendre sa revanche. S’il l’emporte cette fois, il pourrait accélérer le développement des transports plus durables à Varsovie et dans toute la Pologne.

Simon Kremer

Laisser un commentaire