« Ça n’a jamais été autant d’actualité »: trois étudiants français racontent leur engagement pour la mémoire de la Shoah
Présents aux commémorations des 80 ans de la libération du camp, trois jeunes Français sont revenus auprès de Polkaroïd sur leur rapport à la Shoah, et à la façon dont ils en entretiennent la mémoire. Ils y voient une obligation dans un contexte de recrudescence de l’antisémitisme à travers le monde.
Aucun des trois n’est juif. Et pourtant, ce 27 janvier 2025, pour les commémorations des 80 ans de la découverte et de la libération du camp d’Auschwitz, tous les trois se sentaient « obligés » d’être présents. Lorsque l’on rencontre William Poissonnier, Rudy Marionneau et Vincent Maes sur le quai de la gare d’Oswiecim – le nom polonais de la ville d’Auschwitz, les trois étudiants français sont silencieux. La nuit est tombée sur le village avoisinant le camp, de même pour la température. Un problème de billets, un doute sur le bon train à prendre, et les langues se délient un peu.
Sur le point de finir leur année en Erasmus à Cracovie, les trois tenaient à suivre les commémorations retransmises en direct dans un espace aménagé non loin du camp par le mémorial d’Auschwitz. Le lieu était ouvert à toutes les personnes qui souhaitaient assister à la cérémonie et se recueillir. « C’est un événement, il ne reste que douze survivants français encore en vie, ce sera sans doute le dernier qui aura cette portée », explique William, étudiant ingénieur à Lille. Sur leur présence, les jeunes hommes tenaient également à « représenter la France et la jeunesse », pour « montrer que c’est toujours aussi important », ajoute Vincent, étudiant ingénieur dans la même ville. « C’est le devoir de mémoire », rappelle simplement Rudy, qui étudie à Nantes.

Construire un lien
La Shoah, pourtant, ne les concerne pas directement, « ou seulement de très loin », disent-ils. William sait de son arrière grand oncle qu’il était résistant et imprimeur du mouvement La Voix du nord pendant la guerre, et a fait partie du « Train de Loos », le dernier convoi à avoir quitté la région lilloise vers les camps de concentration allemands. Dans la famille de Vincent, c’est l’arrière-grand-père qui a passé la guerre dans les prisons allemandes. Rudy, lui, n’a « aucun lien ». « Mais qu’on soit juif ou non, le massacre a été perpétré et c’est important de commémorer leur mémoire », s’empresse-t-il de dire. Les deux autres acquiescent. « Et puis il n’y a pas eu que des juifs. La déportation c’est aussi une catastrophe européenne », rappelle Vincent. Si 1,1 millions de juifs ont été déportés à Auschwitz, près de 150.000 Polonais, 23.000 tziganes et 35.000 prisonniers de guerre ont aussi été victimes de l’horreur du camp.
La première fois qu’ils entendent parler de la Shoah, c’est pour tous les trois, au même endroit : à l’école. « Au collège c’est là qu’on commence à nous montrer les premières images, les premiers documentaires », se souvient Vincent. De son côté, William entretient sa mémoire avec des films : le jeune homme cite La liste de Schindler, Le pianiste, La rafle… Rudy, lui, est marqué par sa rencontre avec une ancienne résistante, Marcelle Baron, venue dans la classe raconter ce qu’elle avait vécu. « Nous, on n’a pas eu la chance de rencontrer des témoins directs » lui disent ses deux amis.
Jamais autant d’actualité
C’est une des raisons pour lesquelles les voilà, ce 27 janvier, non loin de l’entrée du camp d’Auschwitz Birkenau. De la cérémonie, William retient le témoignage de Tova Friedman, déportée alors qu’elle n’avait que six ans. « Les jeunes femmes qui tenaient les photos de leurs ancêtres décédés aussi, c’était très fort. Et puis les survivants ont tous fait référence à l’actualité ». Une actualité présente aussi à côté des jeunes hommes, pendant la cérémonie. « Il y avait deux personnes qui se tenaient debout, immobiles, en train de brandir un drapeau palestinien », raconte Vincent. « Les revendications sont très importantes, mais ici et à ce moment-là, c’était déplacé ». Les deux autres le rejoignent « Ça serait comme brandir plus tard le drapeau israélien quand on se souviendra de la guerre à Gaza ». Sur la recrudescence de l’antisémitisme les trois étudiants ne cachent pas leur inquiétude : « Auschwitz ça fait 80 ans, et pourtant ça n’a jamais été autant d’actualité aujourd’hui », conclut William.
Noa Jacquet
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