Comment les femmes polonaises s’organisent pour avorter à l’étranger

Depuis bientôt cinq ans, la Cour constitutionnelle polonaise a limité le droit à l’avortement aux cas de viols et de mise en danger de la mère. Le collectif Avortements sans frontières a dû s’organiser pour venir en aide à celles qui n’ont d’autre recours que d’aller à l’étranger.

Petites lunettes noires en aîles de papillon, dossier mauve sous le bras flanqué du logo Abortion Without Borders (avortement sans frontières), Kinga Jelinska sort de la Cour suprême de Varsovie un sourire en coin. La directrice exécutive de l’association Women for women peu enfin souffler, le procès en appel de Justyna Wydrzyńska, sa partenaire de lutte pour l’accès au droit à l’avortement, est enfin terminé.  Elle est accusée d’avoir aidé une femme à avorter, délit passible de trois ans de prisons. Le verdict est attendu le 14 février.

Depuis 2020, date à laquelle la Cour constitutionnelle polonaise a rendu l’interruption volontaire de grossesse ( IVG) illégale, sauf en cas de viol ou de mise en danger de la mère, Kinga Jelinska et ses partenaires ont dû redoubler d’efforts et de stratagèmes pour permettre aux femmes habitant en Pologne d’avoir un accès à un avortement légal et sécurisé. Kinga Jelinska tient à préciser que leur aide s’adresse “à toutes les femmes qui vivent en Pologne, parce qu’une fois ici, elles perdent leur droit à l’avortement.” 

Abortion without Borders est une initiative lancé par une dizaine d’associations de l’Union européenne qui travaillent ensemble pour aider les Polonaises à accéder à un avortement à domicile avec des pilules ou à l’étranger dans des cliniques. Kinga Jelinska explique que “99% des femmes qui ont besoin d’un avortement en Pologne, commandent des pilules abortives.

Une plaquette de pilules abortives, autorisées en Pologne à condition qu’elles arrivent de l’étranger/ PHOTO: EMMA LARBI

Le dernier pourcent se compose principalement de femmes qui ont dépassé les douze semaines d’aménorrhées et qui veulent avorter pour une autre raison que celles prévues par la législation polonaise (viol ou danger pour la santé de la mère). Kinga Jelinska souligne que “les femmes vont souvent au Pays-Bas parce que la législation y est beaucoup plus souple.” 

Dès qu’une femme prend la décision d’avorter à l’étranger, elle contacte l’assistance téléphonique qui lui donne des informations sur la procédure à suivre. En fonction de ses moyens financiers, la femme choisit le moyen de transport qui lui convient. En cas de difficultés financières l’association peut venir en aide aux femmes concernées. Kinga Jelinska estime que “le coût d’un avortement à l’étranger varie entre 1000 et 1500 euros.” 

Une fois arrivée aux Pays-Bas, par exemple, la femme est accueillie par une “ciocia” (tante en Polonais), qui fait partie du réseau Abortion without Borders. Elle va l’accompagner, si besoin, faire office de guide pour elle et de traductrice pour faciliter les échanges avec le centre de santé. 

À titre d’exemple durant l’année 2024, le réseau a permis à près de “47 000 femmes d’avorter alors que le gouvernement polonais n’en a autorisé que 787. En l’espace de quatre jours, le réseau en a réalisé autant que le système médical polonais sur un an” détaille Kinga Jelinska. 

A la suite des élections législatives de l’automne 2023, le gouvernement libéral de Donald Tusk a prévu de faciliter l’accès à l’avortement pour les femmes vivant en Pologne. Cette réforme est toutefois bloquée par le président, un conservateur. Une élection présidentielle est prévue en juin et, si le candidat libéral est élu, le gouvernement devrait pouvoir aller au bout de son projet de réforme.

Alienor de Matos

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