« Tous les enfants veulent devenir comme elle » : comment l’effet Iga Swiatek galvanise le tennis polonais
Boom du nombre de licenciés, investissements dans de nouvelles infrastructures, création de tournois : les succès d’Iga Swiatek, numéro 2 mondiale et cinq fois titrée en Grand Chelem, génèrent leur lot de retombées positives sur le tennis polonais. Reportage dans le premier club d’Iga Swiatek, en Pologne.
L’effet Iga Swiatek. C’est ce que vit la Pologne et son tennis. En 2020, quand elle remporte son premier Roland-Garros, le pays compte 370.000 licenciés. Près de cinq ans plus tard, et autant de titres du Grand Chelem pour la joueuse, ils sont 500.000 à pratiquer la discipline dans le pays. Entre temps, la native de Varsovie a passé 125 semaines au premier rang mondial et a fait passer le tennis de son pays dans une nouvelle ère. « Les inscriptions d’enfants ne cessent d’augmenter en Pologne depuis le succès d’Iga Swiatek », s’enthousiasme Rafal Helbik, directeur sportif de la fédération. Le programme éducatif pour les moins de 10 ans a vu son nombre de licenciés bondir de 30% en une décennie.
Le club de tennis de Varsovie Mera (WKT Mera) est un des acteurs les plus importants de cette pédagogie. C’est là qu’Iga Swiatek a frappé ses premières balles. Un bon argument pour faire venir les joueurs et joueuses en herbe. « À notre échelle, le boom des licenciés est assez spectaculaire, confirme Michal Domanski, directeur athlétique du club. Rien que dans notre académie, on a accueilli 400 enfants de plus ces deux dernières années. » Les filles ne sont cependant pas surreprésentées.
En en franchissant la porte, il n’est pas difficile de croire que le WKT Mera a accueilli des champions. Du nombre de canapés de la réception à la taille du restaurant-bar, en passant par l’offre pléthorique de la boutique, le WKT Mera sort du commun des clubs de tennis, sans être luxueux. Les murs, aussi, nous le rappellent. Là, un poster dédicacé. Ici, une jupe portée en match. Agnieszka Radwanska, finaliste de Wimbledon en 2012 et ancienne numéro deux mondiale, a aussi représenté le club avec sa sœur Urszula.

Michal Domanski voit d’ailleurs plutôt en Iga Swiatek un relais de la flamme, aussi exceptionnel soit-il. « La première étincelle est venue des sœurs Radwanska, retrace-t-il, mais aussi de Jerzy Janowicz [qui a atteint le quatorzième rang mondial] et Lukasz Kubot [ancien numéro un en double]. » Mais le tennis polonais courait après son premier titre majeur. « Maintenant, tous les enfants veulent devenir comme Iga. » Et pas que les enfants.
Plus loin, Weronika Falkowska, 438e joueuse mondiale, termine son entraînement sur le troisième court en dur couvert. Elle a beau être d’un an son aînée, le parcours d’Iga Swiatek résonne en elle. Les deux joueuses se connaissent et ont fait leurs classes ensemble jusqu’à quelques entraînements de Fed Cup. « Même si j’ai ma propre carrière et qu’elle ne peut pas être mon idole, c’est très motivant d’avoir d’une championne aussi grande qu’Iga dans le pays. Je regarde ses matchs pour la soutenir », lâche-t-elle avant de prendre la route pour l’open W75 de Leszno, son prochain tournoi.
Des nouvelles infrastructures à l’épreuve du climat polonais
Leszno figure justement parmi les nouveaux tournois ayant vu le jour depuis le succès d’Iga Swiatek. En tout, « en 2025, la Pologne accueillera dix-sept tournois professionnels au niveau ITF, trois tournois masculins au niveau Challenger, et un WTA 125 à Varsovie », vante Rafal Helbik. Ce dernier a même été un WTA 250 entre 2021 et 2023, qu’Iga Swiatek a naturellement remporté. Ces tournois sont autant d’opportunités pour les joueurs polonais de jouer à domicile. Un certain luxe quand le rythme du tennis professionnel impose des déplacements de plusieurs semaines consécutives.
En plus d’inscrire des nouveaux tournois au calendrier professionnel, la fédération s’efforce d’investir dans les infrastructures. Le ministère des Sports a aussi mis la main à la patte. Des clubs, tout neufs ou rénovés, se sont élevés au standard international aux quatre coins du pays… au détriment des grosses usines historiques ? « J’aurais espéré que le succès d’Iga Swiatek nous rapporte quelques subventions, mais la répartition a plus priorisé le désenclavement tennistique des régions que les grandes villes, nuance Michal Domanski du WKT Mera. La fédération doit faire des choix car le football reste le sport roi qui reçoit le plus d’argent public. »

Selon lui, le succès exceptionnel d’Iga Swiatek et d’Hubert Hurkacz, régulièrement top 10 et vainqueur de Masters 1000, ne fera pas pour autant de la Pologne un géant du tennis mondial. « Il y a des concurrents que l’on ne peut pas battre, note Michal Domanski. Les universités américaines seront toujours un tremplin très attractif pour les jeunes qui plafonnent ici. Le niveau est très élevé, tout comme les moyens financiers. » De plus en plus de joueurs professionnels sortent effectivement du circuit universitaire américain. Une trajectoire qui ne séduit pas que les Américains.
Et si le WKT Mera couvre ses trois courts en dur et trois de ses neuf terres battues, son directeur athlétique envie tout de même les pays au climat plus doux. La plupart du circuit professionnel se jouant en extérieur, s’entraîner dans ces conditions reste optimal. Ce que l’hiver polonais permet moins. « On n’essaye même pas de concurrencer l’Espagne ou la France », s’amuse Michal Domanski. La Pologne a beau former beaucoup moins de professionnels que l’Hexagone, elle peut au moins se targuer d’avoir trouvé sa grande championne de l’ère moderne.
Matthias Troude
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